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Une pincée de sel dans l'eau

Une exposition collective de Socheata Aing et Léa Prud'homme

Exposition: Bienvenue
Exposition: Portfolio

Une pincée de sel dans l'eau

L’épidémie de la Covid-19 aura décidément mis à mal les efforts des artistes dans leur volonté de proposer de nouvelles manières d’appréhender le réel, dans un contexte où nous aurions justement eu besoin d’eux pour réinventer des façons de renouer avec nous-mêmes. La création et les idées furent abondantes, mais les cadres pour les exposer furent réduits au strict nécessaire, ce qui marqua un coup d’arrêt pour la vie artistique.
C’est pourtant dans ce contexte particulier qu’émergea chez Socheata Aing l’idée de réaliser, en collaboration avec Léa Prud’homme, une exposition autour du vivant, du récit et du conte. La première est diplômée des beaux-arts de Toulouse (2019), la seconde des beaux-arts de Bordeaux (2020). Elles se sont rencontrées durant leurs études et se sont retrouvées autour d’un même rapport sensible à l’art et au vivant.
Elles ont conçu ici une exposition autour de la transmission qui s’opère entre les femmes de génération en génération. Transmission du savoir et des techniques, des contes et des mythes, des légendes et des récits, qui racontent comment les femmes ont su, dans chaque société, maintenir une culture à part entière, à la fois séparée et insérée à celle des hommes. Les œuvres que les deux artistes présentent ici traduisent sous d’autres formes ces récits et cette culture, cette transmission et cette résistance millénaire.
Chaque gravure que Léa Prud’homme a imaginée représente un tableau de symboles dans lequel on retrouve tous les éléments qui font écho à l’archétype d’une femme sauvage, forte non par la violence mais par sa force naturelle et instinctive, loin du rôle passif qu’on a pu lui assigner au cours de l’Histoire. Ce sont quatorze gravures qui devaient être réalisées ; comme le nombre de panneaux du chemin de croix du Christ dans l’imaginaire catholique, mais aussi comme le nombre de chapitres que compte le livre fondateur de son projet (Clarissa Pinkola Estés, 1996).
La cape monumentale réalisée avec des vêtements par Socheata Aing rend directement hommage à la figure de la matriarche qui raconte des histoires, celle qui sait, « la que sabe », et qui transmet oralement son savoir aux générations suivantes de femmes qui seront à leur tour porteuses des récits propres à leur société. L’artiste présente également une série de larmes fabriquées en perles et destinées à être portées sur le visage. Ces larmes donnent de l’importance aux sentiments précieux que l’on a enfouis au fond de nous-mêmes pour ne pas les montrer, comme la faiblesse et l’intime, et les donne en partage à ceux qui veulent bien y prêter attention.
On retrouve ce besoin d’énergie créatrice et ce désir de montrer l’intime dans les deux performances régulièrement activées tout au long de l’exposition. La perforatrice troue et détruit la définition du mot femme, lourde de sens et de préjugés, alors que les allumettes sont craquées et entassées pour symboliser le désir de ranimer la flamme qui nous permet de rester en vie. Le manifeste sonore de Léa Prud’homme est lui aussi un appel à laisser s’exprimer cette flamme vitale.
Les œuvres présentées ici sont des livres dans lesquels les mots sont à double sens. Il faut savoir se laisser imprégner par la force d’évocation dont elles sont empreintes. Un lâcher-prise nécessaire qui demandera à chacun de faire appel à ses propres émotions, mémoires, généalogies, sensibilité, pour que l’écho des propositions résonnent au fond d’eux-mêmes.
Leur exposition est lancée à Dourdan comme un souffle agréable dans un contexte suffocant, comme on lance une pincée de sel dans l’eau pour lui donner du corps.
Adrien Canto.

Exposition: Texte
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